il s’y joignait le souvenir de son enfant, de mon enfant, et je me décidai à revenir à Londres. J’y retrouvai facilement les fils de sir Arthur, et, ne voulant pas m’adresser moi-même à eux, je leur envoyai une personne de confiance pour les questionner au sujet de leur belle-mère. Oh ! mes misérables chassaient bien de race ! ils étaient bien du sang de leur père ! Au lieu de m’aider à retrouver lady Maury, ils ne surent qu’insulter à sa mémoire et mettre tout en œuvre pour rendre mes démarches inutiles.
— Mais ils avaient une sœur.
— Oui, miss Ellen, une bonne et charmante créature à laquelle je n’hésitai pas à m’adresser. Elle me seconda de tout son pouvoir, et j’avais en elle tout espoir, car nous étions parvenu à savoir que lady Maury avait été recueillie par un nommé Thompson ; mais miss Ellen mourut subitement il y a quelques mois, et je n’ai pu découvrir l’adresse de cet homme, chez qui ma victime et mon enfant son peut-être servantes.
— Ce Thompson demeurait dans Dog’s lane, dans la Cité ?
— C’est vrai ! Comment savez-vous cela ? dit Harris au comble de la stupeur.
— Parce que, docteur, la comtesse de Villaréal est miss Ada Maury.
— La comtesse ! miss Ada ! Ah ! quel pressentiment ! mais je n’avais osé m’y arrêter. Mais vous, comte, qui êtes-vous donc ?
— Avez-vous suivi, docteur, les diverses révoltes des Indes ? continua le comte en répondant à cette question par une autre question.
— Oui, avec anxiété, car chaque échec que nos institutions recevaient là-bas, apportait ici son contre-coup et faisait prévoir qu’il arriverait bientôt un moment favorable pour soulever le peuple accablé de misère et de honte !
— Alors, vous approuviez cette guerre sanglante d’une nation qui voulait soulever le joug ?
— Elle était pour moi la guerre sainte !
— Sous quelque forme qu’elle se traduisit ?
— Sous quelque forme ! Un peuple a le droit de tout faire pour reconquérir son indépendance. Après la victoire seulement, son devoir est d’être humain et généreux.
— Vous n’ignorez pas alors la lutte mystérieuse et terrible de certaines sociétés occultes contre la domination anglaise, sociétés qui ont ensanglanté le sol de l’Inde, sans profit malheureusement pour la liberté.
— Ces sociétés, telles que celles des Thugs, n’avaient pas de chefs assez intelligents pour comprendre vers quel but devaient tendre leurs efforts. Leur guerre était une guerre de pillage, dans un intérêt tout personnel, ainsi que l’ont prouvé les débats de ce procès de Madras, où les malheureux ont été trahis par un des leurs.