Page:René de Pont-Jest - Le Serment d’Éva.djvu/188

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devant lui bien d’autres femmes jeunes et belles, amenées là par l’adultère, le vol ou la débauche. Saint-Lazare recevant et gardant, à peu près pêle-mêle, dans une promiscuité qui rend inutiles tous les efforts de moralisation des sœurs de Marie-Joseph : les condamnées pour crimes ou délits à moins d’une année d’emprisonnement ; les mineures ayant agi sans discernement et destinées à attendre leur majorité en prison ; les fillettes révoltées que leurs parents enferment, ne sachant plus qu’en faire ; les jeunes filles au-dessous de seize ans, arrêtées en état de vagabondage, et enfin les prostituées détenues administrativement.

Qu’importait alors au bonhomme qui se présentait : jeune ou vieille, belle ou laide, épouse coupable, voleuse ou gibier de l’arbitraire de la police des mœurs. Pour lui c’était tout un !

L’employé leva donc à peine les yeux sur Éva ; il prit la lettre qu’elle lui tendait et la lut lentement, tranquillement. Cela fait, il dicta à l’un de ses scribes les nom et prénoms de la jeune femme, le motif de sa condamnation, la durée de la peine qu’elle devait subir, puis, ces formalités remplies, il lui dit :

— Monsieur le directeur a été prévenu de votre arrivée ; il m’a recommandé de le faire avertir dès que vous seriez là. Vous pouvez prendre une chaise.

La malheureuse s’assit auprès de sa tante, qui s’était affaissée sur un siège, sans mot dire, ne pouvant croire encore que tout ce qui se passait sous ses yeux pût être vrai.