Page:René de Pont-Jest - Le Serment d’Éva.djvu/341

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restre suffisait pour qu’elle gagnât le ciel, et si vraiment son salut n’exigeait pas davantage encore.

Cette pensée troublante, qui finit par la hanter sans cesse, la conduisit logiquement à envisager ce que deviendrait Gilbert si elle avait jamais le courage de le quitter ; et à l’idée qu’il l’oublierait un jour, fatalement, si elle le laissait seul, tout son être devint le siège du plus horrible des combats entre la foi et la jalousie, l’esprit et la matière, l’âme et la chair.

Car si la pauvre femme avait fait le serment de vivre chaste jusqu’à sa dernière heure, elle n’avait pu s’engager à cesser d’aimer. Or elle aimait autant qu’autrefois, plus encore, puisqu’il souffrait de ses souffrances, celui à qui elle s’était donnée tout entière.

Mlle  de Tiessant savait aussi qu’elle était toujours passionnément adorée ; elle en surprenait à chaque instant la preuve dans les regards que son amant arrêtait sur elle à la dérobée, dans la tendresse de ses étreintes, quelques efforts qu’il fit pour se soumettre au supplice de Tantale qui lui était infligé, et même dans ses départs subits, quand il craignait de se trahir. De plus, lorsque, se plaçant devant une glace, elle était obligée de reconnaître que la maladie l’avait à peine changée, que, malgré la maigreur de ses joues et la pâleur de son visage, elle était restée jolie et désirable, elle oubliait cette prière qu’elle avait jadis adressée à Dieu de la laisser belle jusque dans son linceul, pour lui demander, au contraire, de