Page:René de Pont-Jest - Le Serment d’Éva.djvu/342

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la rendre laide, afin de ne plus être pour Gilbert qu’un objet de pitié.

Mais, on le comprend, dans cette lutte, l’imagination de l’infortunée allait, vagabonde, à tous les extrêmes, et son esprit enfantait successivement les projets les plus opposés. Parfois, revenue à la résignation, elle acceptait toutes ses douleurs en expiation de ses fautes et priait. Dans d’autres moments, elle redescendait sur la terre et voulait mourir, non pas seule, car ce serait rendre son amant à la liberté et précipiter peut-être son oubli ; mais mourir avec lui, dans un suprême enlacement, ses lèvres contre ses lèvres, exhalant leur âme dans un dernier baiser d’amour, que Dieu lui pardonnerait !

Et elle souriait à ce rêve, se sentait agitée par de voluptueux frissons et caressait du regard le petit flacon de cristal où elle avait recueilli la morphine qui mettrait fin à ses tourments.

Rien ne lui serait plus facile que d’empoisonner Gilbert ! Quand elle ne pouvait aller jusqu’à la salle à manger, c’était près de son lit qu’on lui servait du café, à la fin de chaque repas. Elle verserait le terrible stupéfiant dans sa tasse, en partagerait le contenu avec lui, ouvrirait les bras, l’appellerait d’un mot de tendresse, et tout serait fini !

C’était surtout quand Ronçay était à Paris que ces épouvantables pensées s’emparaient d’Éva, car, en ces heures d’absence du bien-aimé, la jalousie la dévorait ; mais le plus souvent, lorsqu’il rentrait aux Tilleuls, chargé de roses blanches, et l’embrassait