Page:René de Pont-Jest - Sang-Maudit.djvu/198

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— Maintenant, madame, dit-il à Jeanne, veuillez m’accompagner.

En prononçant ces mots, il avait traversé le vestibule et gagné l’escalier sans jeter un regard en arrière. Arrivé au premier étage, il se dirigea vers ce petit appartement coquet où nous avons déjà introduit nos lecteurs.

Épouvantée, malgré son énergie, la misérable suivait son mari ; mais en le voyant se diriger vers sa chambre du même pas automatique, elle s’arrêta sur le seuil du boudoir.

— Eh bien ! je vous attends, lui dit-il, en se retournant vers elle.

— Oh ! pardon, pardon ! murmura-t-elle, immobile et en se voilant le visage de ses deux mains.

Le magistrat ne lui répondit pas, mais, se rapprochant d’elle, il la saisit par le bras et l’attira brusquement dans l’intérieur de la pièce dont il ferma la porte.

La physionomie du malheureux était effrayante de calme et de résolution.

Pour la première fois de sa vie peut-être, la sœur de Françoise avait peur.

Adossée contre la muraille, elle tremblait.

— Oh ! madame, lui dit Robert après un instant de silence, vous ne courez aucun des dangers que vous semblez craindre. Laissez-moi d’abord vous mettre au courant de ce que j’ai fait depuis mon arrivée à Paris ; vous comprendrez alors pourquoi je ne vous demande nuls détails sur l’affreux événement dont cette chambre a été le théâtre. Ma première visite a été pour la préfecture de police. Là, j’ai appris plus exactement que vous ne me les auriez fait connaître les moindres incidents du malheur dont je vous rends responsable.

— Mon ami ! bégaya Mme de Ferney que le calme de ce pauvre père effrayait plus que ne l’eût fait sa colère.

— Je vous défends de me donner ce nom, reprit le conseiller de sa même voix sévère ; je ne suis pas ici votre ami, mais seulement votre juge. Répondez d’abord au père ; l’époux vous interrogera ensuite.

— L’époux ? fit la jeune femme, avec une surprise qui, cette fois, n’était pas feinte.

M. de Ferney parut ne pas y prendre garde et poursuivit :

— Oui, je vous rends responsable de l’enlèvement, peut-être même de la mort de ma fille. Votre devoir était de veiller sur elle, de ne pas l’isoler dans cette partie de la maison. Pourquoi avez-vous agi ainsi ?

— Louise était malade et Berthe ne pouvait coucher dans la même chambre que sa sœur.

— Il fallait placer son lit près du vôtre ; on vous aurait volé vos bijoux, mais au moins on ne m’aurait pas volé mon enfant. Si on ne retrouve pas Berthe vivante, malheur à vous ! Ma vengeance vous poursuivra en dehors de cette maison où vous avez apporté le malheur, après y avoir apporté la honte.