Page:René de Pont-Jest - Sang-Maudit.djvu/72

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— Ou plutôt le reste est le secret de la confession, hasarda ironiquement la maîtresse de Robert.

— C’est à mon tour de vous dire : je ne vous comprends pas, répondit sévèrement son interlocuteur. Vous avez une grande et sainte mission à remplir auprès des enfants de M. de Ferney. Que Dieu vous donne du courage !

Et saluant la jeune femme qui s’inclina à peine, l’abbé sortit.

— Il sait tout, murmura Mlle  Reboul en le suivant d’un regard haineux. C’est bien ; Robert choisira entre lui et moi.

Au même instant, on enfermait la morte dans son cercueil.

Quarante-huit heures plus tard, le convoi de Mme  de Ferney sortait de l’hôtel de Rifay pour se rendre à Saint-Sulpice.

Son fils à son côté, M. de Ferney conduisait le deuil.

Louise et Berthe étaient restées à la maison sous la garde de la femme de chambre. Jeanne s’était jointe aux rares amis de la famille, car, en dehors du Palais, le magistrat n’avait pas eu le temps de se créer de nombreuses relations à Paris.

L’institutrice avait compris que son absence serait remarquée et affligerait M. de Ferney.

De Saint-Sulpice, l’enterrement se dirigea vers le cimetière du Père-Lachaise, où le corps devait être placé dans un caveau provisoire, jusqu’à ce que fussent accomplies les formalités dont est entouré l’achat d’un terrain à perpétuité.

À la porte de la nécropole, le cortège, ainsi que d’habitude, mit pied à terre, pour gagner, à travers les tombes, l’endroit où la morte devait attendre que fût prête sa dernière demeure.

Mlle  Reboul, que nul des assistants peut-être ne connaissait, marchait seule, le visage caché sous son voile.

Soudain, au détour d’une allée, et alors que, plongée dans ses pensées, elle était restée en arrière, un individu qui la suivait depuis quelques instants s’approcha d’elle et lui dit à l’oreille :

— Jeanne !

La jeune femme se retourna pour s’écrier aussitôt, d’une voix étranglée :

— Justin, vous !

Elle avait en face d’elle un homme de trente ans à peine, brun, de haute taille, dont la physionomie avait une expression inquiète et troublée.

Tout, dans son visage et son allure, était suspect. Sa barbe, qu’il portait entière, semblait un masque. Ses vêtements, sans être en trop mauvais état, trahissaient cependant la gêne.

— Oui, moi, répondit-il à Mlle  Reboul, qui avait esquissé un mouvement de retraite. Ne tentez pas de me fuir, il faut que je vous parle ! Voilà six mois que je cherche le moyen de vous rencontrer.

— C’est impossible ! D’ailleurs, que me voulez-vous ?

— Vous me le demandez ?

— Certes !

— Pensiez-vous que j’avais disparu pour toujours ?

— Donnez-moi votre adresse ; je vous écrirai.

— Vous ne m’écrirez pas ; je vous connais. Pendant ces trois années terribles qui