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Page:Renan - Histoire des origines du christianisme - 2 Les Apotres, Levy, 1866.djvu/130

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Quand une personne a réussi à fixer autour d’elle plusieurs autres personnes par un lien moral élevé, et qu’elle meurt, il arrive toujours que les survivants, souvent divisés jusque-là par des rivalités et des dissentiments, se prennent d’une grande amitié les uns pour les autres. Mille chères images du passé qu’ils regrettent forment entre eux comme un trésor commun. C’est une manière d’aimer le mort que d’aimer ceux avec lesquels on l’a connu. On cherche à se trouver ensemble pour se rappeler le temps heureux qui n’est plus. Une profonde parole de Jésus[1] se trouve alors vraie à la lettre : le mort est présent au milieu des personnes qui sont réunies par son souvenir.

L’affection que les disciples avaient les uns pour les autres, du vivant de Jésus, fut ainsi décuplée après sa mort. Ils formaient une petite société fort retirée et vivaient exclusivement entre eux. Ils étaient à Jérusalem au nombre d’environ cent vingt[2]. Leur piété était vive, et encore toute renfermée dans les formes de la piété juive. Le temple était leur grand lieu de dévotion[3]. Ils travaillaient sans doute pour vivre ; mais le

  1. Matth., xviii, 20.
  2. Act, i, 13. La plus grande partie des « cinq cents frères » était sans doute restée en Galilée. Ce qui est dit Act., ii, 41, est sûrement une exagération, ou du moins une anticipation.
  3. Luc, xxiv, 53 ; Act., ii, 46. Comp. Luc, ii, 37 ; Hégésippe, dans Eusèbe, Hist. eccl., II, 23.