Page:Renan - Histoire des origines du christianisme - 2 Les Apotres, Levy, 1866.djvu/31

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quement à son récit au moment de l’arrivée de Paul à Rome, peut-être pour éviter d’avoir à raconter les cruautés de Néron envers les chrétiens[1]. Le contraste avec l’Apocalypse est frappant. L’Apocalypse, écrite l’an 68, est pleine du souvenir des infamies de Néron ; une horrible haine contre Rome y déborde. Ici, on sent un homme doux, qui vit à une époque de calme. Depuis l’an 70 environ, jusqu’aux dernières années du premier siècle, la situation fut assez bonne pour les chrétiens. Des personnages de la famille flavienne appartinrent au christianisme. Qui sait si Luc ne connut pas Flavius Clemens, s’il ne fut pas de sa familia, si les Actes ne furent pas écrits pour ce puissant personnage, dont la position officielle exigeait des ménagements ? Quelques indices ont porté à croire que le livre avait été composé à Rome. On dirait, en effet, que les principes de l’Église romaine ont pesé sur l’auteur. Cette Église, dès les premiers siècles, eut le caractère politique et hiérarchique qui l’a toujours distinguée. Le bon Luc put entrer dans cet esprit. Ses idées sur l’autorité ecclésiastique sont très-avancées ; on y voit poindre le germe de l’épiscopat. Il écrivit l’histoire sur le ton

  1. De semblables précautions n’étaient point rares. L’Apocalypse et l’épître de Pierre désignent Rome à mots couverts.