Page:Renan - Histoire des origines du christianisme - 2 Les Apotres, Levy, 1866.djvu/388

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sens qu’il éteignit la souveraineté absolue de la famille, de la ville, de la tribu, et remplaça ou tempéra ces souverainetés par celle de l’État. Or, un pouvoir absolu est d’autant plus vexatoire qu’il s’exerce dans un cercle plus restreint. Les républiques anciennes, la féodalité tyrannisèrent l’individu bien plus que ne l’a fait l’État. Certes, l’empire romain, à certaines époques, persécuta durement le christianisme[1] ; mais du moins il ne l’arrêta pas. Or, les républiques l’eussent rendu impossible ; le judaïsme, s’il n’avait pas subi la pression de l’autorité romaine, eût suffi pour l’étouffer. Ce qui empêcha les pharisiens de tuer le christianisme, ce furent les magistrats romains[2].

De larges idées de fraternité universelle, sorties pour la plupart du stoïcisme[3], une sorte de sentiment général de l’humanité, étaient le fruit du régime moins étroit et de l’éducation moins exclusive auxquels l’individu était soumis[4]. On rêvait une nouvelle

  1. Nous essayerons cependant de montrer plus tard que ces persécutions, au moins jusqu’à celle de Dèce, ont été exagérées.
  2. Les premiers chrétiens sont, en effet, très-respectueux pour l’autorité romaine. Rom., xiii, 1 et suiv. ; I Petri, iv, 14-16. Pour S. Luc, voyez ci-dessus, Introd., p. xxii-xxiii.
  3. Diogène Laërce. VII, i, 32, 33 ; Eusèbe, Prépar. évang., XV, 15 ; et, en général, le De legibus et le De officiis de Cicéron.
  4. Térence, Heautont., I, i, 77 ; Cic., De finibus bon. et mal.,