Page:Renan - Histoire des origines du christianisme - 3 Saint Paul, Levy, 1869.djvu/179

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coûta beaucoup à Paul, et la phrase dans laquelle il en parle est une des plus originales qu’il ait écrites. Le mot qui lui coûte semble ne pouvoir couler de sa plume. La phrase, au premier coup d’œil, paraît dire que Titus ne fut pas circoncis, tandis qu’elle implique qu’il le fut[1]. Le souvenir de ce moment pénible lui revenait souvent ; cette apparence de retour au judaïsme lui semblait parfois un reniement de Jésus ; il se rassurait en disant : « J’ai été juif avec les juifs pour gagner les juifs[2]. » Comme tous les hommes qui tiennent beaucoup aux idées, Paul tenait peu aux formes. Il voyait la vanité de tout ce qui n’est pas chose de l’âme, et, quand les intérêts suprêmes de la conscience étaient en jeu, lui, d’ordinaire si roide, abandonnait tout le reste[3].

  1. Gal., ii, 3-5. Le sens est : « Si Titus fut circoncis, ce n’est pas qu’on l’y eût forcé. Il le fut à cause des faux frères,… auxquels nous pûmes céder un moment, mais non nous soumettre en principe. » Ce jeu de négations est conforme à l’usage hébraïque. Comp. Rom., xv, 18. L’opposition de πρὸς ὥραν et de διαμείνῃ confirme notre explication. Si on ne l’adopte pas, le verset 5 reste un non-sens. Cf. Tertullien, Contre Marcion, V, 3. La conduite de Paul en cette circonstance, si elle fut telle que nous le supposons, répond bien à Act., xvi, 3 ; xxi, 20 et suiv., à I Cor., ix, 20 et suiv., et à Rom., xiv ; xv, 1 et suiv.
  2. I Cor., ix, 20.
  3. Voir surtout sa réponse en ce qui concerne les viandes sacrifiées aux idoles. I Cor., viii, 4 et suiv. ; x, 10 et suiv.