Page:Renan - Histoire des origines du christianisme - 3 Saint Paul, Levy, 1869.djvu/288

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dans le cœur de pieuses femmes, dans les aspirations intimes des pauvres, des esclaves, des patients de toute sorte. Avant que la philosophie se rapproche de la doctrine nouvelle, il faudra et que la philosophie se soit fort affaiblie, et que la doctrine nouvelle ait renoncé à la grande chimère du prochain jugement, c’est-à-dire aux imaginations concrètes qui furent l’enveloppe de sa première formation.

Qu’il soit de Paul ou d’un de ses disciples, ce discours, en tout cas, nous montre une tentative, à peu près unique au premier siècle, pour concilier le christianisme avec la philosophie et même, en un sens, avec le paganisme. Faisant preuve d’une largeur de vues très-remarquable chez un juif, l’auteur reconnaît dans toutes les races une sorte de sens intérieur du divin, un instinct secret de monothéisme qui aurait dû les porter à la connaissance du vrai Dieu. À l’en croire, le christianisme n’est pas autre chose que la religion naturelle, à laquelle on arrive en consultant simplement son cœur et en s’interrogeant de bonne foi : idée à double face qui devait tantôt rapprocher le christianisme du déisme, tantôt lui inspirer un orgueil déplacé. C’est ici le premier exemple de la tactique de certains apologistes du christianisme, faisant des avances à la philosophie,