Page:Renan - Histoire des origines du christianisme - 3 Saint Paul, Levy, 1869.djvu/386

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respectable regardait comme ses titres de noblesse et les marques de sa supériorité. Ils parlèrent vivement à Pierre, qui fut fort effrayé. Cet homme, profondément bon et droit, voulait la paix avant tout ; il ne savait contrarier personne. Cela le rendait versatile, du moins en apparence ; il se déconcertait facilement et ne savait pas trouver vite une réponse. Déjà, du vivant de Jésus, cette espèce de timidité, venant de gaucherie plutôt que de manque de cœur, l’avait induit en une faute qui lui coûta bien des larmes[1]. Sachant peu discuter, incapable de tenir tête à des gens insistants, dans les cas difficiles il se taisait et atermoyait. Une telle disposition de caractère lui fit encore cette fois commettre un grand acte de faiblesse. Placé entre deux classes de personnes dont il ne pouvait contenter l’une sans froisser l’autre, il s’isola complètement et vécut à l’écart, refusant tout rapport avec les incirconcis. Cette manière d’agir blessa vivement les gentils convertis. Ce qu’il y eut de bien plus grave encore, c’est que tous les circoncis l’imitèrent ; Barnabé lui-même se laissa gagner à leur exemple et évita les chrétiens incirconcis.

  1. Voir Vie de Jésus, p. 395-396. Comparez la légende Domine, quo vadis ? mentionnée pour la première fois d’une manière certaine par saint Ambroise, mais qui paraît bien plus ancienne. Cf. Origène, Comment. in Joh., tomus XX, § 12, édit. de La Rue.