Page:Renan - Histoire des origines du christianisme - 3 Saint Paul, Levy, 1869.djvu/608

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la liberté que Christ nous a donnée, on scandalise son frère, il vaut mieux renoncer à cette liberté et se remettre en esclavage. C’est en vertu de ce principe que Paul, comme il le dit lui-même, se fit tout à tous, juif avec les juifs, gentil avec les gentils[1]. En acceptant la proposition de Jacques et des anciens, il appliquait son principe favori ; il se soumit donc. Jamais peut-être, dans sa vie d’apôtre, il ne fit un sacrifice plus considérable à son œuvre. Ces héros de la vie pratique ont d’autres devoirs que les héros de la vie contemplative. Le premier devoir de ceux-ci est de sacrifier leur rôle actif à leur idée, de dire tout ce qu’ils pensent, rien que ce qu’ils pensent, dans la mesure exacte où ils le pensent ; le premier devoir des autres est de sacrifier souvent leurs idées, parfois même leurs principes les plus arrêtés, aux intérêts de la cause qu’ils cherchent à faire triompher.

Ce qu’on demandait à Paul, du reste, était moins de se rendre nazir[2] que d’acquitter les frais d’ordination de quatre nazirs, qui n’avaient pas de quoi payer les sacrifices qu’on faisait en ces sortes d’occasions. C’était là une œuvre fort estimée chez les

  1. Voir ci-dessus, p. 89, 125-126, 398 et suiv.
  2. Il ne résulte pas clairement du texte des Actes que Paul lui-même se soit fait nazir, quoique cette dernière interprétation paraisse la meilleure.