Page:Renan - Histoire des origines du christianisme - 3 Saint Paul, Levy, 1869.djvu/644

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le navire s’arrête ; on attend le jour avec anxiété. Les matelots alors, profitant de leur habileté dans la manœuvre, voulurent se sauver aux dépens des passagers. Sous prétexte de jeter les ancres de l’avant, ils mirent la chaloupe à flot, et cherchèrent à s’y placer. Mais le centurion et les soldats, avertis, dit-on, par Paul[1] de cette conduite déloyale, s’y opposèrent. Les soldats coupèrent les amarres qui retenaient la chaloupe, et la laissèrent aller à la dérive. Paul, cependant, donnait de bonnes paroles à tous, et assurait que nul n’aurait à souffrir en son corps. Pendant ces crises de la vie maritime, l’existence est comme suspendue ; quand elles sont finies, on s’aperçoit qu’on est sale et qu’on a faim. Depuis quatorze jours, presque personne n’avait pris de nourriture, soit par suite de l’émotion, soit par suite du mal de mer. Paul, en attendant le jour, conseilla à tous de manger, afin de se donner des forces en vue de la manœuvre qui restait à accomplir. Il donna lui-même l’exemple, et, en juif pieux, rompit le pain, selon l’usage, après une prière d’action de grâces, qu’il fit ostensiblement devant tous. Les passagers l’imitèrent, et reprirent un peu de cœur. On allégea

  1. Le narrateur cède à la tentation bien naturelle d’exagérer l’importance du rôle de Paul.