Page:Renan - Histoire des origines du christianisme - 5 Evangiles, Levy, 1877.djvu/539

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

par lesquelles Ignace exprimait son désir du supplice et son amour pour Jésus. Dans la relation authentique du martyre de Polycarpe (155), il y a, paraît-il, des allusions au texte même de l’épître aux Romains, telle que nous la possédons[1]. Ignace devint ainsi le grand maître du martyre, l’excitateur aux folles ardeurs de la mort pour Jésus. Ses lettres vraies ou supposées furent le recueil où l’on alla puiser des expressions frappantes, des sentiments exaltés. Le diacre Étienne avait par son héroïsme sanctifié le diaconat et les ministères ecclésiastiques ; avec plus d’éclat encore, l’évêque d’Antioche entoura d’une auréole sainte les fonctions de l’épiscopat. Ce n’est pas sans raison qu’on lui prêta des écrits où ces fonctions étaient relevées avec hyperbole. Ignace fut vraiment le patron de l’épiscopat, le créateur du privilège des chefs d’Église, la première victime de leurs redoutables devoirs.

Ce qu’il y a de plus curieux, c’est que cette histoire, racontée plus tard à l’un des écrivains les plus spirituels du siècle, à Lucien, lui inspira les principaux traits de son petit tableau de mœurs intitulé De la mort de Peregrinus. Il n’est guère douteux que Lucien n’ait emprunté aux récits sur Ignace les

  1. Comp. Ad. Rom., 5, à Mart. Polyc., 3.