Page:Renan - Histoire des origines du christianisme - 6 Eglise chretienne, Levy, 1879.djvu/130

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éloignés où, le souvenir direct des origines étant perdu, les religions ne valent plus que par leurs textes écrits.

Il va sans dire que la Bible juive gardait toute son autorité et continuait d’être tenue pour la révélation directe de Dieu. C’était ce vieux canon et les écrits apocryphes qu’on y avait annexés (tels que le livre d’Hénoch, l’Assomption de Moïse, etc.), qu’on envisageait avant tout comme le recueil de la parole divine. On n’y touchait plus, tandis que, pour les écrits nouveaux, on ne s’interdisait ni les additions, ni les suppressions, ni les remaniements arbitraires[1]. Nul ne se faisait scrupule de prêter aux apôtres et à Christ lui-même des paroles et des écrits qu’on jugeait bons, utiles, dignes de cette sainte origine[2]. S’ils n’avaient pas dit ces belles choses, ils avaient pu les dire, et cela suffisait. Un usage ecclésiastique poussait à ces sortes de fraudes, et les rendait presque nécessaires ; c’était l’usage des lectures dans les églises[3]. La lecture des écrits apostoliques et prophétiques devait occuper, dans les réunions, tout le temps que ne prenaient pas les mystères et

  1. Denys de Cor., dans Eusèbe, H. E., IV, xxiii, 12 ; Origène, Comment. in Matth., xix, 19.
  2. Cf. I Thess., ii, 2 ; iii, 17.
  3. Justin, Apol. I, 67, μέχρις ἐγχωρεῖ.