Page:Renan - Histoire des origines du christianisme - 6 Eglise chretienne, Levy, 1879.djvu/401

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des sectes le préserva des aberrations que ne surent pas éviter Tatien, Tertullien. Sa théologie est loin d’être la théologie orthodoxe des siècles suivants ; mais la sincérité de l’auteur fit qu’on se montra facile pour lui. La Trinité, chez saint Justin, est à l’état d’embryon mal conformé[1] ; ses anges et ses démons sont conçus d’une façon prodigieusement matérialiste et enfantine ; son millénarisme est aussi naïf que celui de Papias[2] ; il ignore systématiquement saint Paul. Il croit que Jésus est né d’une façon surnaturelle ; mais il connaît des chrétiens qui ne l’admettent pas[3]. Son Évangile différait considérablement des textes aujourd’hui consacrés ; il ne faisait pas usage de l’Évangile dit de Jean, et l’écrit qu’il cite, quoique se rapprochant le plus souvent de Matthieu, parfois de Luc, n’est précisément aucun des trois synoptiques[4]. C’était probablement l’Évangile des Hébreux, dit « Évangile des douze Apôtres », ou « de Pierre[5] », non sans analogie avec la Genna Marias, ou Protévangile de Jacques[6],

  1. Cf. ci-dessus, p. 373, et Apol. I, 22, 32, 33, 35, 44, 60 ; Apol. II, 10 ; Dial., 7, 65, 68.
  2. Dial., 80, 81.
  3. Dial., 48. Comp. Apol. I, 21, 22.
  4. Voir De Wette, Einl. in das N. T., § 66 a et suiv. Pour les singularités de son histoire apostolique, voir Apol. I, 39, 50.
  5. Nicolas, Évang. apocr., p. 49 et suiv.
  6. Hilgenfeld, Krit. Untersuch. über Evang. Justin’s, p. 153