Page:Renan - Histoire des origines du christianisme - 6 Eglise chretienne, Levy, 1879.djvu/470

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Les tortures endurées par ces malheureux offrirent un épouvantable caractère d’atrocité. Quelques-uns furent tellement déchirés par les fouets, que leurs veines, leurs artères, tout le dedans de leur corps était à nu. On pleurait autour d’eux, mais on ne put leur arracher ni un murmure ni une plainte. L’idée se répandit dès lors que les martyrs du Christ, pendant la torture, étaient ravis hors du corps et que Christ lui-même les assistait, causait avec eux. Le feu leur faisait l’effet d’une fraîcheur délicieuse. Exposés aux bêtes, traînés sur un sable composé de coquillages pointus, ils paraissaient insensibles.

Un seul faiblit, et ce fut justement celui qui avait compromis les autres. Le Phrygien fut puni de sa jactance. À la vue des bêtes, il se mit à trembler. Les gens du proconsul l’entourèrent, l’engagèrent à céder ; il consentit à prêter le serment et à sacrifier. Les fidèles virent là un signe du ciel et la condamnation de ceux qui allaient d’eux-mêmes chercher la mort. Une telle conduite, empreinte d’orgueil, fut considérée comme une sorte de défi à Dieu. Il fut admis que le courage du martyre vient d’en haut, et que Dieu, pour montrer qu’il est la source de toute force, se plaît parfois à montrer les plus grands exemples d’héroïsme en ceux qui, avant l’épreuve, ont été défiants d’eux-mêmes, presque timides.