Page:Renan - Histoire des origines du christianisme - 6 Eglise chretienne, Levy, 1879.djvu/70

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avec laquelle Épiphane combat cette opinion[1] inviterait à croire qu’elle n’était pas sans solidité. Tout est possible à ces époques ténébreuses ; et, si l’Église, en vénérant le quatrième Évangile comme l’œuvre de Jean, est dupe de celui qu’elle regarde comme un de ses plus dangereux ennemis, cela n’est pas en somme plus étrange que tant d’autres malentendus qui composent la trame de l’histoire religieuse de l’humanité.

Ce qu’il y a de sûr, c’est que l’auteur est à la fois le père et l’adversaire du gnosticisme, l’ennemi de ceux qui laissaient s’évaporer dans un docétisme nuageux l’humanité réelle de Jésus et le complice de ceux qui le reléguaient dans l’abstraction divine. Les esprits dogmatiques ne sont jamais plus sévères que pour ceux qui sont séparés d’eux par une nuance. Cet Anti-Christ que pseudo-Jean présente comme existant déjà, ce monstre qui est la négation de Jésus, et qu’il ne distingue pas des erreurs du docétisme[2], c’est presque lui-même. Que de fois on se maudit en maudissant les autres ! La personne de Jésus devenait dans le sein de l’Église l’objet

  1. Il en fait une hérésie, qu’il appelle, par un jeu de mots, les aloges (hær. li). Aucune secte n’a réellement porté ce nom.
  2. I Joh., ii, 18, 22 ; iv, 3 ; II Joh., 7. Comp. II Thess., ii, 3 et suiv.