Page:Renan - Jesus, Levy, 1864.djvu/174

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par les Hiérosolymites avec une extrême dureté. On la mettait sur la même ligne que les païens, avec un degré de haine de plus. Jésus, par une sorte d’opposition, était bien disposé pour elle. Souvent il préfère les Samaritains aux Juifs orthodoxes. Si, dans d’autres cas, il semble défendre à ses disciples d’aller les prêcher, réservant son Évangile pour les Israélites purs, c’est là encore, sans doute, un précepte de circonstance, auquel les apôtres auront donné un sens trop absolu. Quelquefois, en effet, les Samaritains le recevaient mal, parce qu’ils le supposaient imbu des préjugés de ses coreligionnaires ; de la même façon que, de nos jours, l’Européen libre penseur est envisagé comme un ennemi par le musulman, qui le croit toujours un chrétien fanatique. Jésus savait se mettre au-dessus de ces malentendus. Il eut plusieurs disciples à Sichem, et il y passa au moins deux jours. Dans une circonstance, il ne rencontre de gratitude et de vraie piété que chez un Samaritain. Une de ses plus belles paraboles est celle de l’homme blessé sur la route de Jéricho. Un prêtre passe, le voit et continue son chemin. Un lévite passe et ne s’arrête pas. Un Samaritain a pitié de lui, s’approche, verse de l’huile dans ses plaies et les bande. Jésus conclut de là que la vraie fraternité s’établit entre les hommes par la charité, non par la foi religieuse. Le « prochain, » qui dans le judaïsme était surtout le coreligionnaire, est pour lui l’homme qui a pitié de son