Page:Renan - Jesus, Levy, 1864.djvu/175

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semblable sans distinction de secte. La fraternité humaine dans le sens le plus large sortait à pleins bords de tous ses enseignements.

Ces pensées, qui assiégeaient Jésus à sa sortie de Jérusalem, trouvèrent leur vive expression dans une anecdote qui a été conservée sur son retour. La route de Jérusalem en Galilée passe à une demi-heure de Sichem[1], devant l’ouverture de la vallée dominée par les monts Ebal et Garizim. Cette route était en général évitée par les pèlerins juifs, qui aimaient mieux dans leurs voyages faire le long détour de la Pérée que de s’exposer aux avanies des Samaritains ou de leur demander quelque chose. Il était défendu de manger et de boire avec eux ; c’était un axiome de certains casuistes qu’ « un morceau de pain des Samaritains est de la chair de porc. » Quand on suivait cette route, on faisait donc ses provisions d’avance ; encore évitait-on rarement les rixes et les mauvais traitements. Jésus ne partageait ni ces scrupules ni ces craintes. Arrivé, dans la route, au point où s’ouvre sur la gauche la vallée de Sichem, il se trouva fatigué, et s’arrêta près d’un puits. Les Samaritains avaient, alors comme aujourd’hui, l’habitude de donner à tous les endroits de leur vallée des noms tirés des souvenirs patriarcaux ; ils regardaient ce puits comme ayant été donné par Jacob à Joseph ; c’était probablement celui-là même qui s’appelle

  1. Aujourd’hui Naplouse.