Page:Renan - L’Avenir de la science, pensées de 1848.djvu/18

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

fut bientôt évident pour moi que j’allais rendre ainsi le livre tout à fait boiteux. Les parties répétées étaient les plus importantes ; toute la composition, comme un mur d’où l’on retirait des pierres essentielles, allait crouler. Je résolus alors de m’en rapporter simplement à l’indulgence du lecteur. Les personnes qui me font l’honneur de lire mes écrits avec suite me pardonneront, je l’espère, ces répétitions, si la publication nouvelle leur montre ma pensée dans des agencements et des combinaisons qui ont pour elles quelque chose d’intéressant.


Quand j’essaye de faire le bilan de ce qui, dans ces rêves d’il y a un demi-siècle, est resté chimère et de ce qui s’est réalisé, j’éprouve, je l’avoue, un sentiment de joie morale assez sensible. En somme, j’avais raison. Le progrès, sauf quelques déceptions, s’est accompli selon les lignes que j’imaginais. Je ne voyais pas assez nettement à cette époque les arrachements que l’homme a laissés dans le règne animal ; je ne me faisais pas une idée suffisamment claire de l’inégalité des races ; mais j’avais un sentiment juste de ce que j’appelais les origines de la vie. Je voyais bien que tout se fait dans l’humanité et dans la nature, que la création n’a pas de place dans la série des effets et des causes. Trop peu na-