Page:Renan - L’Avenir de la science, pensées de 1848.djvu/185

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sophie la cosmologie, qui, à l’origine, la constituait presque tout entière. Celui qu’on regarde ordinairement comme le fondateur de la philosophie rationnelle, Thalès, ne serait plus aujourd’hui appelé philosophe. Nous nous croyons obligés de faire deux ou trois parts dans des vies scientifiques comme celles de Descartes et de Leibnitz ou même de Newton (bien que citez celui-ci la part de philosophie pure soit déjà beaucoup plus faible), et pourtant ces vies ont été parfaitement unes, et le mot par lequel s’est exprimée leur unité a été celui de philosophie. Il n’est plus temps sans doute de réclamer contre cette élimination nécessaire la philosophie, après avoir renfermé dans son sein toutes les sciences naissantes, a dû les voir se séparer d’elle, aussitôt qu’elles sont arrivées un degré suffisant de développement. Viendra-t-il un jour où elles y rentreront, non pas avec la masse de leurs détails, mais avec leurs résultats généraux ; un jour où la philosophie sera moins une science à part qu’une face de toutes les sciences, une sorte de centre lumineux où toutes les connaissances humaines se rencontreront par leur sommet en divergeant à mesure qu’elles descendront aux détails ? La loi régulière du progrès, prenant son point de départ dans le syncrétisme, pour arriver à travers l’analyse, qui seule est la méthode légitime, à la synthèse, qui seule a une valeur philosophique, pourrait le faire espérer. L’apparition d’un ouvrage comme le Cosmos de M. de Humboldt où un seul savant, renouvelant au xixe siècle la tentative de Timée ou de Lucrèce, tient sous son regard le Cosmos dans sa totalité, prouve qu’il est encore possible de ressaisir l’unité cosmique perdue sous la multitude infinie des détails. Si le but de la philosophie est la vérité sur le système général des choses, comment serait-elle indiffé-