Page:Renan - L’Avenir de la science, pensées de 1848.djvu/186

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rente à la science de l’univers ? La cosmologie n’est-elle pas sacrée au même titre que les sciences psychologiques ? Ne soulève-t-elle pas des problèmes dont la solution est aussi impérieusement par notre nature que celle des questions relatives à nous-mêmes et à la cause première ? Le monde n’est-il pas le premier objet qui excite la curiosité de l’esprit humain, n’aiguise-t-il pas tout d’abord cet appétit de savoir, qui est le trait distinctif de notre nature raisonnable, et qui fait de nous des êtres capables de philosopher ? Prenez les mythologies, qui nous donnent la vraie mesure des besoins spirituels de l’homme ; elles s’ouvrent toutes par une cosmogonie ; les mythes cosmologiques y occupent une place au moins aussi considérable que les mythes moraux et les théologoumènes. Et déjà même de nos jours, bien que les sciences particulières soient loin d’avoir atteint leur forme définitive, combien de données inappréciables n’ont-elles pas fournies à l’esprit qui aspire à savoir philosophiquement ? Celui qui n’a point appris de la géologie l’histoire de notre globe et des êtres qui l’ont successivement peuplé ; de la physiologie, les lois de la vie de la zoologie et de la botanique, les lois des formes de l’être, et le plan général de la nature animée (74) ; de l’astronomie, la structure de l’univers de l’ethnographie, et de l’histoire, la science de l’humanité dans son devenir ; celui-là peut-il se vanter de connaître la loi des choses, que dis-je ? de connaître l’homme, qu’il n’étudie qu’abstraitement et dans ses manifestations individuelles ?

Je vais éclairer par un exemple la manière dont on pourrait faire servir les sciences particulières à la solution d’une question philosophique. Je choisis le problème qui, depuis les premières années où j’ai commence à phi-