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simple et noble du costume antique : mais enfin ce n’est plus un mensonge comme celui de l’ancienne aristocratie. Il y a encore beaucoup à faire : il faut simplifier et ennoblir. La bourgeoisie d’ailleurs a eu parfois le tort de chercher à revenir aux vieux airs de la noblesse ; à quoi elle n’a nullement réussi, et par là elle s’est rendue ridicule. Car rien de plus ridicule qu’une imitation manquée de la majesté. Ce qu’il nous faut, c’est la vraie politesse, la vraie douceur, la vie prise à plein et dans sa vérité, la vertu se traduisant dans les manières par l’aménité et la grâce. Les républicains prétendus austères se font une étrange illusion, en croyant qu’on peut bannir de l’humanité l’idée de majesté. Mieux vaudrait l’ancienne idolâtrie, entourant de splendeur quelques individus, que cette pâle vie où la majesté de l’humanité ne serait pas représentée. Mais il vaut mieux encore revenir à la vérité, et ne reconnaître d’autre majesté que celle de la nation et de l’idéal.

Ces mœurs, je les appellerais volontiers des mœurs démocratiques, en ce sens qu’elles ne reposent sur aucune distinction artificielle (186), mais seulement sur les relations naturelles et morales des hommes entre eux. On s’imagine souvent que des mœurs démocratiques sont des mœurs de cabaret, et c’est un peu la faute de ceux qui ont confisqué ce nom à leur profit. Mais les vraies mœurs démocratiques seraient les plus charmantes, les plus douces, les plus aimables. Elles ne seraient que la morale elle-même, plus ou moins belle, plus ou moins harmonieuse, selon que les individus seraient plus ou moins heureusement doués. Ce seraient les mœurs des poèmes et des romans idéaux, où les sentiments humains se feraient jour dans toute leur naïveté première, sans air bourgeois ni raf-