Page:Renan - Marc-Aurèle et la Fin du monde antique.djvu/276

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reur ; il les lisait avec délices et, sans le vouloir, il était amené à les imiter[1]. Telle fut l’origine de ces pensées détachées, formant douze cahiers, qu’on réunit après sa mort sous ce titre : Au sujet de lui-même[2].

Il est probable que, de bonne heure, Marc tint un journal intime de son état intérieur. Il y inscrivait, en grec, les maximes auxquelles il recourait pour se fortifier, les réminiscences de ses auteurs favoris, les passages des moralistes qui lui parlaient le plus, les principes qui, dans la journée, l’avaient soutenu, parfois les reproches que sa conscience scrupuleuse croyait avoir à s’adresser.


On se cherche des retraites solitaires, chaumières rustiques, rivages des mers, montagnes ; comme les autres, tu aimes à rêver tout cela. Quelle naïveté, puisqu’il t’est permis, à chaque heure, de te retirer en ton âme ? Nulle part l’homme n’a de retraite plus tranquille, surtout s’il possède en lui-même de ces choses dont la contemplation suffit pour rendre le calme. Sache donc jouir de cette retraite, et là renouvelle tes forces. Qu’il y ait là de ces maximes courtes, fondamentales, qui tout d’abord rendront la sérénité à ton âme et te remettront en état de supporter avec résignation le monde où tu dois revenir[3].


Pendant les tristes hivers du Nord, cette conso-

  1. Voir, par exemple, Dissert. Epict., III, viii, 1 et suiv.
  2. Τὰ εἰς ἑαυτόν. Cf. Themistius, Philad., p. 97. Dindorf ; Suidas, au mot Μάρκος.
  3. Pensées, IV, 3.