Page:Renan - Melanges Histoires et Voyages,Calmann,1878.djvu/210

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rien conclure de là contre la sincérité du père. Septime Sévère, qui certes n’avait pas la bonté de Marc-Aurèle, et qui blâmait hautement cet empereur de n’avoir pas délivré le monde de Commode, désigna pour sa succession Caracalla, presque le lendemain du jour où celui-ci venait d’attenter à sa vie[1]. Une marque d’estime de Marc-Aurèle garde donc tout son prix ; que dire d’une confidence faite dans le plus secret abandon de son cœur ?



II.


Prenons maintenant les unes après les autres les accusations portées par les historiens contre Faustine, et discutons-en la vraisemblance. La plus grave de ces accusations est évidemment sa complicité supposée avec Avidius Cassius. Nous n’hésitons pas à le dire : c’est là une calomnie. Supposons que les larmes de Marc-Aurèle, le deuil du sénat et du peuple, ces honneurs divins, ces temples, ces marques exceptionnelles de piété pour la mémoire d’une épouse, soient des fictions comme l’histoire de l’empire romain en offre trop d’exemples ; supposons que la flatterie se fût crue bien inspirée en ravivant chez l’empereur à tout propos un souvenir qui devait lui être odieux (la flatterie est d’ordinaire plus clairvoyante) ; au moins faut-il que la complicité de Faustine avec le rival de son mari ne soit pas formellement contredite par les documents. Rappelons que, selon

  1. Dion Cassius. LXXVI, 14.