Page:Renan - Melanges Histoires et Voyages,Calmann,1878.djvu/267

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âge ; mais il garda toujours, en fait de goût, quelque chose de lourd, de commun, de bourgeois, s’il est permis de le dire. L’architecture civile produisit des ouvrages charmants, sans qu’il se formât un goût décidément national. L’artiste devint le favori, le commensal, souvent l’agent secret et le confident des princes. Ce n’est plus le mâle et intelligent ouvrier du xiie et du xiiie siècle ; c’est le valet adroit, bon à toute sorte de services, cumulant la sellerie avec la peinture, les commissions secrètes avec les ouvrages d’art, prenant rang dans la domesticité du prince à côté du fou, du ménestrel et du tailleur d’habits.

L’aristocratie de princes du sang qui se forme à partir du roi Jean, et qui règne sous le nom de l’infortuné Charles VI, créa de brillantes cours féodales, assez analogues aux familles régnantes de l’Italie. Ces princes, si funestes à la France sous le rapport de la politique, furent tous des hommes de goût et peuvent être considérés comme les premiers grands amateurs laïques qu’aient eus les sociétés modernes. S’ils ruinaient le royaume, du moins ils l’embellissaient, et c’est à eux en particulier que la France dut ce brillant aspect féodal qu’elle perdit par les démolitions souvent inintelligentes du xvie et du xviie siècle. Quel collectionneur raffiné que le duc de Berri ! Où trouver des goûts de luxe plus développés que dans la maison de Bourgogne ? Quel prodigue se fit jamais pardonner plus facilement ses folies que Louis d’Orléans, ce séduisant abrégé des défauts et des qualités de son siècle ? Que nous sommes loin pourtant avec ces princes des fauteurs illustres de la renaissance italienne ! Les princes du sang de la maison des Valois, ne représentant pas des souverainetés