Page:Renan - Souvenirs d’enfance et de jeunesse.djvu/112

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fortune ne s’acquiert qu’en exploitant les autres et en pressurant les pauvres. La conséquence d’une telle manière de voir, c’est que le riche n’est pas très considéré ; on estime beaucoup plus l’homme qui se consacre au bien public ou qui représente l’esprit du pays. Ces braves gens s’indignent contre la prétention qu’ont ceux qui font leur fortune de rendre par surcroît un service social. Quand on leur avait dit autrefois : « Le roi fait cas des Bretons, » cela leur suffisait. Le roi jouissait pour eux, était riche pour eux. Persuadés que ce que l’on gagne est pris sur un autre, ils tenaient l’avidité pour chose basse. Une telle conception d’économie politique est devenue très arriérée ; mais le cercle des opinions humaines y ramènera peut-être un jour. Grâce, au moins, pour les petits groupes de survivants d’un autre monde, où cette inoffensive erreur a entretenu la tradition du sacrifice ! N’améliorez pas leur sort, ils ne seraient pas plus heureux ; ne les enrichissez pas, ils seraient moins dévoués : ne les gênez pas pour les faire aller à l’école primaire, ils y per-