Page:Renan - Souvenirs d’enfance et de jeunesse.djvu/136

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elles rencontraient ma sœur Henriette, elles la caressaient : « Ma petite, lui disaient-elles, votre grand’mère était une personne bien recommandable, nous l’aimions beaucoup ; soyez comme elle. » En effet, ma sœur l’aimait extrêmement et la prit pour exemple ; mais ma mère, rieuse et pleine d’esprit, différait beaucoup d’elle ; la mère et la fille faisaient en tout le contraste le plus parfait.

Cette bonne bourgeoisie de Lannion était admirable de candeur, de respect et d’honnêteté. Beaucoup de mes tantes restèrent sans se marier, mais n’en étaient pas moins heureuses, grâce à un esprit de sainte enfance qui rendait tout léger. On vivait ensemble, on s’aimait ; on participait aux mêmes croyances. Mes tantes X… n’avaient d’autre divertissement que, le dimanche, après les offices, de faire voler une plume, chacune soufflant à son tour pour l’empêcher de toucher terre. Les grands éclats de rire que cela leur causait les approvisionnaient de joie pour huit jours. La piété de ma grand’mère, sa politesse, son culte pour l’ordre établi, me sont restés comme