Page:Renan - Souvenirs d’enfance et de jeunesse.djvu/173

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goureux, bien portants, braves, et, comme tous les individus placés à un degré de civilisation inférieure, portés à une sorte d’affectation virile, à une estime exagérée de la force corporelle, à un certain mépris des femmes et de ce qui leur paraît féminin. Presque tous travaillaient pour être prêtres. Ce que j’ai vu alors m’a donné une grande aptitude pour comprendre les phénomènes historiques qui se passent au premier contact d’une barbarie énergique avec la civilisation. La situation intellectuelle des Germains à l’époque carlovingienne, l’état psychologique et littéraire d’un Saxo Grammaticus, d’un Hrabanus Maurus, sont choses très claires pour moi. Le latin produisait sur ces natures fortes des effets étranges. C’étaient comme des mastodontes faisant leurs humanités. Ils prenaient tout au sérieux, ainsi que font les Lapons quand on leur donne la Bible à lire. Nous nous communiquions sur Salluste, sur Tite-Live, des réflexions qui devaient fort ressembler à celles qu’échangeaient entre eux les disciples de saint Gall ou de saint Colomban apprenant le