Page:Renan - Souvenirs d’enfance et de jeunesse.djvu/176

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Persuadé par mes maîtres de deux vérités absolues : la première, que quelqu’un qui se respecte ne peut travailler qu’à une œuvre idéale, que le reste est secondaire, infime, presque honteux, ignominia seculi ; la seconde, que le christianisme est le résumé de tout idéal, il était inévitable que je me crusse destiné à être prêtre. Cette pensée ne fut pas le résultat d’une réflexion, d’une impulsion, d’un raisonnement. Elle allait en quelque sorte sans le dire. La possibilité d’une carrière profane ne me vint même pas à l’esprit. Étant, en effet, entré avec le sérieux et la docilité la plus parfaite dans les principes de mes maîtres, envisageant comme eux toute profession bourgeoise ou lucrative comme inférieure, basse, humiliante, bonne tout au plus pour ceux qui ne réussissent pas dans leurs études, il était naturel que je voulusse être ce qu’ils étaient. Il devinrent le type de ma vie, et je n’eus d’autre rêve que d’être, comme eux, professeur au collège de Tréguier, pauvre, exempt de souci matériel, estimé, respecté comme eux.