Page:Renan - Souvenirs d’enfance et de jeunesse.djvu/220

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fut plus pour moi la fin du monde. Des idées, des sentiments m’apparurent, qui n’avaient eu d’expression ni dans l’antiquité, ni au XVIIe siècle.

Ainsi le germe qui était en moi fut fécondé. Quoique antipathique par bien des côtés à ma nature, cette éducation fut comme le réactif qui fit tout vivre et tout éclater. L’essentiel, en effet, dans l’éducation, ce n’est pas la doctrine enseignée, c’est l’éveil. Autant le sérieux de ma foi religieuse avait été atteint en trouvant sous les mêmes noms des choses si différentes, autant mon esprit but avidement le breuvage nouveau qui lui était offert. Le monde s’ouvrit pour moi. Malgré sa prétention d’être un asile fermé aux bruits du dehors, Saint-Nicolas était à cette époque la maison la plus brillante et la plus mondaine. Paris y entrait à pleins bords par les portes et les fenêtres, Paris tout entier, moins la corruption, je me hâte de le dire, Paris avec ses petitesses et ses grandeurs, ses hardiesses et ses chiffons, sa force révolutionnaire et ses mollesses flasques. Mes vieux prêtres de Bre-