Page:Renan - Souvenirs d’enfance et de jeunesse.djvu/221

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tagne savaient bien mieux les mathématiques et le latin que mes nouveaux maîtres ; mais ils vivaient dans des catacombes sans lumière et sans air. Ici, l’atmosphère du siècle circulait librement. Dans nos promenades à Gentilly, aux récréations du soir, nos discussions étaient sans fin. Les nuits, après cela, je ne dormais pas : Hugo et Lamartine me remplissaient la tête. Je compris la gloire, que j’avais cherchée si vaguement à la voûte de la chapelle de Tréguier. Au bout de quelque temps, une chose tout à fait inconnue m’était révélée. Les mots talent, éclat, réputation eurent un sens pour moi. J’étais perdu pour l’idéal modeste que mes anciens maîtres m’avaient inculqué ; j’étais engagé sur une mer où toutes les tempêtes, tous les courants du siècle avaient leur contre-coup. Il était écrit que ces courants et ces tempêtes emporteraient ma barque vers des rivages où mes anciens amis me verraient aborder avec terreur.

Mes succès dans les classes étaient très inégaux. Je fis un jour un Alexandre, qui doit être au Cahier d’honneur, et que je publie-