Page:Renan - Souvenirs d’enfance et de jeunesse.djvu/222

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rais si je l’avais. Mais les compositions de pure rhétorique m’inspiraient un profond ennui ; je ne pus jamais faire un discours supportable. À propos d’une distribution de prix, nous donnâmes une représentation du concile de Clermont ; les différents discours qui purent être tenus en cette circonstance furent mis au concours. J’échouai totalement dans Pierre l’Ermite et Urbain II ; mon Godefroy de Bouillon fut jugé aussi dénué que possible d’esprit militaire. Un hymne guerrier en strophes saphiques et adoniques fut trouvé moins mauvais. Mon refrain, Sternite Turcas, solution brève et tranchante de la question d’Orient, fut adopté dans la récitation publique. J’étais trop sérieux pour ces enfantillages. On nous donnait à faire des récits du moyen âge, qui se terminaient toujours par quelque beau miracle ; j’abusais déplorablement des guérisons de lépreux. Le souvenir de mes premières études de mathématiques, qui avaient été assez fortes, me revenait quelquefois. J’en parlais à mes condisciples, que cela faisait beaucoup rire. Ces études leur