Page:Renan - Souvenirs d’enfance et de jeunesse.djvu/223

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paraissaient quelque chose de tout à fait bas, comparées aux exercices littéraires qu’on leur présentait comme le but suprême de l’esprit humain. Ma force de raisonnement ne se révéla que plus tard, en philosophie, à Issy. La première fois que mes condisciples m’entendirent argumenter en latin, ils furent surpris. Ils virent bien alors que j’étais d’une autre race qu’eux et que je continuerais à marcher quand ils auraient trouvé leur point d’arrêt. Mais, en rhétorique, je laissai un renom douteux. Écrire sans avoir à dire quelque chose de pensé personnellement me paraissait dès lors le jeu d’esprit le plus fastidieux.

Le fond des idées qui formait la base de cette éducation était faible ; mais la forme était brillante, et un sentiment noble dominait et entraînait tout. J’ai dit qu’il n’y avait dans la maison aucune punition ; il serait plus exact de dire qu’il n’y en avait qu’une, l’expulsion. À moins de faute très grave, cette expulsion n’avait rien de blessant ; on n’en donnait pas les motifs : « Vous êtes un