Page:Renan - Souvenirs d’enfance et de jeunesse.djvu/278

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Et pourtant il restait en lui des parties de l’esprit scientifique, qu’il n’avait pu détruire. Par moments, il avait des éclairs surprenants. Quelques leçons qu’il nous fit sur l’histoire naturelle ont été une des bases de ma pensée philosophique. Je lui dois beaucoup ; mais l’instinct d’apprendre qui est en moi et qui fera, j’espère, que j’apprendrai jusqu’à l’heure de ma mort, ne me permettait pas d’être de sa bande. Il m’aimait assez, mais ne cherchait pas à m’attirer. Son brûlant esprit d’apostolat s’indignait de mes paisibles allures, de mon goût pour la recherche. Un jour, il me trouva dans une allée du parc, assis sur un banc de pierre ; je me rappelle que je lisais le traité de Clarke sur l’Existence de Dieu. Selon mon habitude, j’étais enveloppé dans une épaisse houppelande. « Oh ! le cher petit trésor, dit-il en s’approchant. Mon Dieu, qu’il est donc joli là, si bien empaqueté ! Oh ! ne le dérangez pas. Voilà comme il sera toujours… Il étudiera, étudiera sans cesse ; mais, quand le soin des pauvres âmes le réclamera, il étudiera encore. Bien fourré dans sa houppelande, il