Page:Renan - Souvenirs d’enfance et de jeunesse.djvu/436

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la vraie philosophie et un esprit décidément supérieur ; ce n’est que de ce moment que j’ai appris à le connaître. Nous ne nous abordâmes point de front ; nous ne fîmes qu’exposer, moi, la nature de mes doutes, lui, le jugement qu’il devait en porter comme orthodoxe. Il fut extrêmement sévère et me déclara nettement : 1o qu’il n’était nullement question de tentations contre la foi, terme dont je m’étais servi dans ma lettre, par l’habitude que j’avais contractée de me conformer à la terminologie sulpicienne pour me faire entendre, mais bien d’une perte totale de la foi ; 2o que j’étais hors de l’Église ; 3o qu’en conséquence je ne pouvais approcher d’aucun sacrement, et qu’il ne m’engageait pas à pratiquer l’extérieur de la religion ; 4o que je ne pouvais sans mensonge continuer un jour de plus à paraître ecclésiastique, etc., etc. Du reste, en tout ce qui ne tenait pas à l’appréciation de mon état, il fut bon autant qu’on peut l’être… Ces messieurs de Saint-Sulpice et M. Gratry étaient bien loin d’en juger aussi rondement, et prétendaient que je devais toujours me considérer comme tenté… J’ai obéi à M. Dupanloup et je le ferai toujours désormais. Pourtant je me confesse encore, et, comme je n’ai plus M. B., je le fais à M. Le Hir, que j’aime à la folie. Je remarque que cela m’améliore et me console beaucoup. Je me confesserai à vous quand vous serez prêtre. ― Pourtant, par condescendance, comme il disait, pour le sentiment des autres, M. Dupanloup voulut qu’avant de quitter Stanislas je fisse une retraite. Cette proposition, dans sa bouche surtout, me fit d’abord éclater de rire. Je