Page:Renan - Souvenirs d’enfance et de jeunesse.djvu/444

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elle aurait de meilleurs défenseurs. Je classe ainsi les orthodoxes :

1. Esprits vifs, non dénués de finesse, mais superficiels. Ceux-là se défendent mieux ; mais l’orthodoxie rejette leur système de défense, ils ne comptent donc plus.

2. Esprits déprimés, vieux radoteurs… Ceux-ci sont les stricts orthodoxes.

3. Ceux qui ne croient que par le cœur, comme des enfants, sans entrer dans tout cet attirail apologétique. Oh ! ceux-ci, je les aime, j’en conçois un ravissant idéal ; mais nous sommes en critique, ils ne comptent pas. En morale, je fraterniserais avec eux.

D’autres ne se définissent pas, sont incrédules sans le savoir : l’incrédulité est dans leurs principes, mais ils ne les poussent pas à bout… D’autres croient en rhéteurs, parce que les auteurs auxquels ils ont voué un culte ont été de cette opinion : sorte de religion classique, littéraire. Ils croient au christianisme comme les sophistes de la décadence croyaient au paganisme. ― Je regrette de n’avoir pas le temps d’achever et de mettre en ordre cette classification.

Vous vous défiez de la raison individuelle, quand elle cherche à se dresser un système de vie. Fort bien ; donnez-moi mieux, j’y croirai. Je la suis, faute de mieux, cette raison, et je me dépite souvent contre elle.

Quant à la position extérieure que tout cela me fera, n’importe. Je ne me classerai nulle part. Si par le fait je me trouve classé, ce sera un fait, rien de plus. Si je trouve des personnes qui voient comme moi, nous