Page:Renan - Vie de Jesus, edition revue, 1895.djvu/604

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j’explique par là l’importance que toute la première génération chrétienne accorde à Jean-Baptiste. Si, comme le veut la savante école hollandaise, cette importance était en partie factice et conçue presque uniquement pour appuyer le rôle de Jésus sur une autorité incontestée, pourquoi eût-on choisi Jean-Baptiste, homme qui n’eut une grande réputation que dans la famille chrétienne ? Le vrai, selon moi, est que Jean-Baptiste n’était pas seulement pour les disciples de Jésus un simple garant, mais qu’il était pour eux un premier maître, dont ils rattachaient indissolublement le souvenir aux commencements mêmes de la mission de Jésus[1]. Un fait d’importance majeure, le baptême conservé par le christianisme comme l’introduction obligée à la vie nouvelle, est une marque d’origine qui atteste encore d’une façon visible que le christianisme fut d’abord une branche détachée de l’école de Jean-Baptiste.

Le quatrième Évangile se bornerait donc à ce premier chapitre, qu’il faudrait le définir « un fragment composé de traditions ou de souvenirs écrits tard et engagés dans une théologie fort éloignée de l’esprit évangélique primitif, une page de biographie légendaire, où l’auteur accepte les faits traditionnels, les transforme souvent, mais n’invente rien ». Si l’on parle de biographie a priori, c’est bien plutôt dans les synoptiques que je trouve une biographie de cette sorte. Ce sont les synoptiques qui font naître Jésus à Bethléhem, qui le font aller en Égypte, qui lui amènent les mages, etc., pour les besoins de la cause. C’est Luc qui crée ou admet des personnages qui n’ont peut-être jamais existé[2]. Les prophéties messianiques, en particulier, préoc-

  1. Voir Act., i, 21-22 ; x, 37 ; xiii, 24 ; xix, 4.
  2. Les noms des parents de Jean-Baptiste, dans Luc, semblent fic-