Page:Renan - Vie de Jesus, edition revue, 1895.djvu/70

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Jusqu’à présent, nous n’avons parlé que des trois Évangiles dits synoptiques. Il nous reste à parler du quatrième, de celui qui porte le nom de Jean. Ici la question est bien plus difficile. Le disciple le plus intime de Jean, Polycarpe, qui cite souvent les synoptiques, dans son épître aux Philippiens, ne fait pas d’allusion au quatrième Évangile. Papias, qui se rattachait également à l’école de Jean, et qui, s’il n’avait pas été son auditeur, comme le veut Irénée, avait beaucoup fréquenté ses disciples immédiats, Papias, qui avait recueilli avec passion tous les récits oraux relatifs à Jésus, ne dit pas un mot d’une « Vie de Jésus » écrite par l’apôtre Jean[1]. Si une telle mention se fût trouvée dans son ouvrage, Eusèbe, qui relève chez lui tout ce qui sert à l’histoire littéraire du siècle apostolique, en eût sans aucun doute fait la remarque[2]. Justin a connu peut-être

  1. H. E., III, 39. On pourrait être tenté de voir le quatrième Évangile dans les « récits » d’Aristion ou dans les « traditions » de celui que Papias appelle Presbyteros Joannes. Mais Papias semble présenter ces récits et ces traditions comme non écrits. Si les extraits qu’il donnait de ces récits et de ces traditions eussent appartenu au quatrième Évangile, Eusèbe l’eût dit. En outre, ce que l’on sait des idées de Papias est d’un millénaire, disciple de l’Apocalypse, et nullement d’un disciple de la théologie du quatrième Évangile.
  2. Qu’on ne dise pas : Papias ne parle ni de Luc ni de Paul, et