Page:Renan - Vie de Jesus, edition revue, 1895.djvu/71

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le quatrième Évangile[1] ; mais certainement il ne le regardait pas comme l’ouvrage de l’apôtre Jean, puisque lui qui désigne expressément cet apôtre comme auteur de l’Apocalypse ne tient pas le moindre compte du quatrième Évangile dans les nombreuses données sur la vie de Jésus qu’il extrait des « Mémoires des apôtres» ; bien plus, sur tous les points où les synoptiques et le quatrième Évangile diffèrent, il adopte des opinions complétement opposées à ce dernier[2]. Cela est d’autant plus surprenant

    cependant les écrits de Luc et de Paul existaient de son temps. Papias a dû être un adversaire de Paul, et il a pu ne pas connaître l’ouvrage de Luc, composé à Rome pour une tout autre famille chrétienne. Mais comment, à Hiérapolis, vivant au cœur même de l’école de Jean, eût-il négligé l’Évangile écrit par un tel maître ? Qu’on ne dise pas non plus qu’à propos de Polycarpe (IV, 14) et de Théophile (IV, 24), Eusèbe ne relève pas toutes les citations que font ces Pères des écrits du Nouveau Testament. Le tour particulier du chapitre III, 39, rendait une mention du quatrième Évangile presque immanquable, si Eusèbe l’eût trouvée en Papias.

  1. Quelques passages, Apol. I, 32, 61 ; Dial. cum Tryph., 88, portent à le croire. La théorie du Logos, dans Justin, n’est pas telle qu’on soit obligé de supposer qu’il l’a prise dans le quatrième Évangile.
  2. Endroits cités, p. LVI, note 3. Remarquez surtout Apol. I, 14 et suiv., supposant notoirement que Justin, ou ne connaissait pas les discours de Jean, ou ne les regardait pas comme représentant l’enseignement de Jésus.