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Page:Renard - Comedies.djvu/81

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tête, et je me gonfle de lyrisme, jusque-là, jusqu’aux yeux.

MARTHE

Et cela vous calme ?

PIERRE

Toujours. Aucune mauvaise pensée ne résiste à un beau vers.

MARTHE

Vous n’êtes pas difficile à soigner.

PIERRE

Non. C’est infaillible, mais, hélas ! momentané ; ma gorge s’enroue vite, le volume me tombe des mains, mes yeux se dégrisent et je revois bientôt mon bonheur infini et plat, pareil au vôtre, bête à pleurer.

MARTHE

Tant pis, nous sommes heureux d’un bonheur auquel il faut se résigner.

PIERRE

Ce n’est pas du bonheur, c’est de la béatitude. Encore serait-elle supportable, aujourd’hui, si on pouvait en dire : Oh ! ça ne durera pas ! — Mais j’ai à peine trente-cinq ans, moi, madame. Je ne fais que commencer. Et vous, quel âge ?

MARTHE

Je n’ai pas fini non plus.