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Page:Renard - L’Écornifleur, Ollendorff, 1892.djvu/300

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gorge, et, le bout des doigts sur la table, elle se tient raide comme une chaise, le nez remuant, les yeux en têtes d’épingle. Cruz taille au creux de son pain de petits cubes de mie qu’il trempe dans sa sauce, et qu’il y tourne longuement, entêté au nettoyage de son assiette.

— « Finis donc, mal éduqué ! » lui dit sa femme. Elle sait que dans le grand monde on ne vide pas son verre et qu’il faut laisser de la viande après les os.

Quand on veut changer l’assiette de Cruz, il proteste, et la plaque sur son estomac.

— « Non, non. Elle est point sale. Ça vous donnerait de l’embernerie ! »

— « Qu’est-ce que ça te fait ? lui dit sa femme : c’est pas toi qui les laveras ! »

Elle donne la sienne sans regret et essuie avec son tablier celle qu’on lui rend.

Cruz dépose une pincée de sel sur la nappe, l’écrase par habitude, bien que ce soit du sel fin, et passe dessus, comme des langues, une à une, ses feuilles de salade.

— « Guettez, guettez le salaud ! » dit sa femme, qui tâche de piquer un morceau de beurre avec sa fourchette.