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Page:Renard - L’Homme truqué, suivi du Château hanté… - Crès, 1921.djvu/74

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L’HOMME TRUQUÉ

la sensation d’une courbature extrêmement douloureuse. L’immobilité me parut le comble du bonheur, et je restai longtemps dans un état de faiblesse et de torpeur, du fond duquel j’entendais gronder la canonnade. Puis le sentiment du péril se fit jour au sein de mon sommeil ; la nature, de plus en plus impérieuse, m’enjoignait de secouer l’engourdissement ; j’étais peut-être grièvement atteint, mon sang s’écoulait peut-être d’une blessure insensible…

» Il faisait nuit noire. Pas de lune, pas une étoile. Avec des efforts surhumains, je pus trouver mon briquet à essence dans une poche de ma veste ; mais, avant même d’en avoir fait usage, une idée terrifiante me traversa l’esprit : le canon tonnait ; au-dessus de moi, j’entendais se croiser les trajectoires ; j’étais donc au milieu d’une bataille ; et pourtant, aucune lueur n’éclairait la nuit, ni d’un côté ni de l’autre !

» D’un coup de pouce, je fis tourner la molette du briquet…

» Pas de flamme.

» Je pinçai fébrilement la mèche… Une brûlure m’avertit que j’étais aveugle.