Page:Renard - La Lanterne sourde, Coquecigrues,1906.djvu/241

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Daphnis. — Donc il en avait. Son fils en pense le plus grand bien. Tu n’apprécies pas la littérature moderne ?

Chloé. — Si, j’ai lu quelques-uns de tes livres préférés. Des fois, bon Dieu, que c’est intense ! Oh ! la ! la ! On y trouve aussi moins de répétitions, mais tes écrivains voient trop noir.

Daphnis. — L’optique progresse. Son éducation faite, l’œil regarde au fond des choses, et toutes les choses, avec le temps, déposent.

Chloé. — Dommage ! Je lis pour mon plaisir.

Daphnis. — Achève le vers : « et non pour mon supplice ! »

Chloé. — Car, moi, je suis gaie, gaie !

Daphnis. — Marions-nous encore.

Chloé. — Et je sens que jamais je ne m’habituerai à la tristesse.

Daphnis. — C’est qu’alors lu mourras jeune, bientôt.

IX

Chloé. — Tu ne m’as pas dit tes idées en politique. Tu ne votes même pas. Es-tu inscrit ? je parierais que non.

Daphnis. — Et pourtant, un gouvernement « c’est de l’air qu’on respire » ! conseille-moi.

Chloé. — Je n’y entends rien, mais quand mes amies me demandent : « Ton mari est-il républicain ? » je suis confuse et je réponds tantôt oui, tantôt non, au hasard. Déroutées, elles finissent par ne plus savoir à quoi s’en tenir. Je t’aimerai bien :