fille, à la fois heureuse, épouvantée, défaillante enfin !
— Mais César ?
— César, par malheur, ne s’est pas contenu. Je le répète : il ne s’attendait certes pas à ces accordailles passionnées, célébrées malgré lui, à sa barbe. Il s’est emporté une fois de plus. La scène a été effroyable. Une espèce de gourdin figurait au milieu d’autres armes sauvages : celui-ci, tiens, tu vois, dans cette panoplie où César l’a replacé depuis. Il s’est emparé de cette trique et l’a brandie sur la tête de l’homme, en proférant des gentillesses que je regrette de ne pas avoir entendues.
« C’est ainsi qu’il l’a mis dehors, chassé, sous la menace de son bâton.
— Je veux croire que l’autre n’a pas manqué de dignité !
— Non, dit Charles en souriant malgré lui. Il s’en est allé très honorablement, à reculons, la canne toujours maintenue sous son bras, comme si le vieux César n’avait été, déjà, qu’une image impondérable. Il adressait à Henriette un regard chargé de toute sa tendresse. Et elle, à demi morte, tenant sur sa bouche sa main baguée de noir, le regardait partir, poussé par ce tuteur de comédie, et lui destinait ce long baiser.
— C’est du pur Beaumarchais ! En pantomime.
— Hélas ! c’est de la vie ! C’est de la douleur pour trois êtres. Ou plutôt, « c’était ». Ils ne souffrent plus aujourd’hui.
— Aujourd’hui, c’est nous. À cause d’eux. Voilà tout un drame que personne n’avait jamais soupçonné.
— Personne. L’Histoire est ainsi faite. Nous n’en connaissons pas la moitié.
— Conclusion, dit Bertrand : moins d’un mois avant sa mort, César s’était fait un ennemi mortel. Et cet ennemi, c’était mon ancêtre.
Charles objecta complaisamment :
— Il n’a plus la clé…
— C’est un détail, pour un garçon aussi avisé.
— Aussi avisé ? Qu’entends-tu par là ?
— J’estime très fort, de sa part, d’avoir caché le billet sous le buste de Napoléon, dans le cabinet même de César. Il aurait pu le nicher en mille endroits plus