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l’alarme

aura vingt ans. Ainsi, dans deux ans, je lui ferai part de vos sentiments. Et je puis vous dire, mon cher Robert, qu’ils rehaussent à mes yeux la valeur de Marie-Thérèse et qu’ils nous honorent tous. Je fais plus que vous aimer, mon ami : je vous admire. Vous êtes un grand savant, et, qui mieux est : vous êtes un brave homme. »

— « Elle ne voudra pas… Je suis trop mal bâti… »

— « Qui sait ? » prononce M. Le Tellier, méditatif. « Vous êtes doué de singulières qualités scientifiques… une étrange perspicacité… une sorte de divination… qui peut vous mener aux places les plus enviées. Marie-Thérèse ne l’ignore pas. Je sais, moi, qu’elle vous apprécie comme vous le méritez… »

— « Il y a votre famille, mon maître ! »

— « C’est vrai ; mais Marie-Thérèse est libre de choisir… »

— « Hélas ! »

— « Allons, voyons, voyons ! Pas de tristesse. Je ne vous décourage pas, cependant ! Réfléchissez. Ne pleurez pas ! Voyons ! je vous tiens un discours d’espérance, par un clair soleil, à vous qui êtes jeune, — et vous pleurez ! Ah ! la belle matinée de printemps, Robert ! Elle est si belle et si printanière, qu’on voudrait être amoureux, ne fût-ce que pour en souffrir ! »

— « Je serai franc, tenez : je crains que… que Mlle Marie-Thérèse n’aime déjà quelqu’un. J’ai reconnu… sur cette enveloppe à votre nom… l’écriture de M. le duc d’Agnès… Venant après toutes les sollicitations qui vous ont assailli (et que mon cœur s’excuse d’avoir éventées), cette lettre m’a… bouleversé. J’ai voulu la précéder, ce matin ; alors, j’ai parlé… »

— « Donnez-moi cela. »

En effet, la lettre est signée « François d’Agnès » et débute ainsi :

(pièce 104)
« Cher Monsieur,

« J’ai deviné pourquoi vous quittiez Paris en grand mystère ; et cela me décide à tenter auprès de vous une démarche dont il est peu probable que vous soyez surpris. J’avais l’espoir de vous faire ma demande non par correspondance, mais par… »