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le fils

cela surgit en eux comme une scène de cauchemar. C’est construit avec toutes les images qu’ils ont retenues des suppléments illustrés et des toiles peintes de la foire. C’est une vision plus hideuse peut-être que la réalité.

Ils sont sur les frontières de l’évanouissement. Ils ont la tête glacée, les bras vides, les jambes faibles, avec une espèce de fourmillement. Ils sentent le cerne de leurs orbites, la pâleur profonde de leurs faces ; et leurs cœurs frappent, frappent, frappent, comme des prisonniers éperdus…

Le tapage extérieur s’apaise avec le crépuscule, et l’horloge sonne huit heures.

Mme Jules consulte un almanach qui tremble dans ses mains travailleuses. Elle s’est approchée de la fenêtre encore un peu claire. Sa voix grelotte :

— Le soleil se lèvera demain à 3 heures 52.

Une exclamation de douleur impuissante lui répond. Dans le noir, elle entend son homme murmurer :

— En tout cas, il ne sait rien, lui !

— En es-tu sûr ? doute Mme Jules. Quand on monte la… chose, il paraît que, des fois, ça fait du bruit… Et puis, il y a le monde qui vient d’avance…

Il s’est retourné tout d’une pièce, et d’un ton redoutable :

— Il ne sait rien, je te dis ! Tu entends !