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Page:Renard - Le carnaval du mystère, 1929.djvu/143

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elle

retentit. J’enfonçai du pied le démarreur, avec une hâte involontaire. La pétarade des quatre cylindres fit un vacarme sociable, auquel je souris dans le noir, comme aux aboiements d’un chien fidèle.

Les « vitesses », une à une, coup sur coup, se succédèrent ; et la voiture allègre glissa, créant devant elle un spectacle éphémère.

Je transperçai des zones d’air alternative­ment tièdes et fraîches. Puis la route épousa les contours du fleuve, prise entre la berge et de hautes pentes abruptes qui grimpaient, farouches. Désert renommé. Jadis, au temps des chevaux, on ne s’aventurait pas…

Tout à coup, je sentis, je devinai… Je m’étais d’abord demandé pourquoi rien ne sortirait, — rien d’hostile — des herbes de la rive ou des buissons qui s’étageaient. La voie sinueuse décrivait des courbes masquant de l’inconnu… Mais, brusquement, j’avais pris conscience du mystère qui s’épaississait derrière moi. Et aussitôt je fus certain de n’être plus seul dans la voiture. Une présence s’affirmait à mon intuition. Quelqu’un était-il monté tout à l’heure ?…

La petite mouche redescendit en suivant mon échine, et la peur me sauta dessus, m’entra dedans, — la peur verdâtre, avec son dos de frissons, son ventre de coliques et ses jambes de sauve-qui-peut.